Cet ouvrage offre une analyse inédite des politiques musicales en Allemagne, depuis l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en 1933 jusqu’à la constitution de deux entités politiques en 1949 dans le contexte de la guerre froide. L’étude des politiques mises en œuvre sous le IIIe Reich montre comment la notion de pureté a conditionné la création et la vie musicales, depuis l’aryanisation de compositeurs de la grande tradition tels que Wagner et Beethoven jusqu’à la recherche d’une impossible musique « nazie ». L’examen des luttes de pouvoir entre des acteurs culturels essentiels du Reich, principalement le ministre de la Propagande, Joseph Goebbels, et l’idéologue du parti nazi, Alfred Rosenberg, met en lumière les incohérences très fortes d’un système qui forgea le concept de « musique dégénérée » sans pour autant la bannir totalement.
Après la guerre, la création musicale a été mise à contribution des conflits entre Alliés alors que se profilait la guerre froide. C’est ce contexte particulier qui vit la création de l’École de Darmstadt et de festivals de musique contemporaine, mais aussi la réintégration de musiciens compromis avec le régime nazi.
En étudiant des régimes qui se construisent en définitive par l’opposition mutuelle, Élise Petit met en lumière des volontés ou des utopies de rupture en lien avec les politiques musicales. Elle interroge la possibilité de la rupture dans le domaine artistique lorsque celui-ci est lié au politique et mène à repenser les notions d’« Heure Zéro » et de tabula rasa dans l’Allemagne du xxe siècle.
Introduction
PREMIÈRE PARTIE : LE RÉGIME NATIONAL-SOCIALISTE ET LA MUSIQUE. LA RUPTURE PAR L’IDÉOLOGIE RACIALE
Chapitre I : Le nouvel ordre nazi et l’obsession de la pureté I. Les musiques impures : l’idée de « dégénérescence » Exclusions et purification Les expériences modernistes de la république de Weimar Antisémitisme, anticommunisme, antiaméricanisme II. Pureté de la musique : l’exaltation de la tradition Ambition nationale et glorification des maîtres : le cas Wagner Germanité et expansionnisme L’épuration des livrets : le « Service du Reich de l’arrangement musical » III. Art « pur », art « dégénéré » : deux expositions antagonistes Munich : die Große deutsche Kunstausstellung et Entartete Kunst Düsseldorf : die Reichsmusiktage et Entartete Musik
Chapitre II : Peuple, musique et asservissement I. Peuple et Volksgemeinschaft : le discours La communauté du peuple (Volksgemeinschaft) Peuple et massification II. Mise au pas de la musique et des musiciens Gleichschaltung et exaltation de l’unité du peuple Reichskulturkammer et Reichsmusikkammer III. À la recherche d’une musique « nazie » Le soutien à la création Nazification de l’opéra Nazification de la musique de divertissement : jazz, Schlager et cabaret IV. « Musique du peuple » (Volksmusik) et embrigadement Volksmusik et Volkslieder : définition et mission Corpus et caractéristiques musicales Rôle du texte L’embrigadement de la jeunesse : la musique, rythme de la vie
Chapitre III : Paradoxes et ambivalences du régime nazi I. L’impossibilité d’une politique musicale cohérente Rosenberg et l’idéologie völkisch Goebbels et la primauté de la propagande « Polycratie » et illisibilité des politiques musicales II. Des situations paradoxales Compositeurs et compromissions Le jazz Une enclave de liberté apparente : la Ligue culturelle juive III. De l’épuration à la dénazification |
SECONDE PARTIE : APRÈS L’HORREUR NAZIE. UTOPIES ET ILLUSIONS DE L’« HEURE ZÉRO »
Chapitre IV : Purification de l’Allemagne et de la vie musicale I. De la dénazification à la réorientation Face à l’idéologie nazie : anti-idéologie, purification et stratégies de reconquête Stratégies d’expansion : la « revanche » culturelle Conflits et luttes d’influence : la guerre froide II. Les musiques désormais impures : dénazification musicale Dénazification de la société allemande L’« Heure Zéro » et la musique : dénazification de la musique savante Dénazification des « chants populaires » (Volkslieder) III. La nouvelle pureté, renversement de l’impureté du passé Compositeurs exilés et « musiques dégénérées » : une pureté retrouvée Utopie de la musique indépendante à l’Ouest : la « Nouvelle musique » À l’Est : la pureté par le message politique
Chapitre V : Nouveaux peuples et nouvelles musiques I. Des politiques concurrentielles La culture comme arme de guerre Politiques musicales et sentiment d’infériorité Politiques musicales et sentiment de supériorité II. Politiques musicales et peuple occupé à l’Est Le contexte russe : la Jdanovschina Influence de l’idéologie communiste sur les politiques musicales Réception des politiques : réticence des artistes III. Politiques musicales et peuples occupés à l’Ouest Divergences et convergences entre Alliés occidentaux Musique de la tabula rasa et éducation du peuple dans la zone américaine L’échec « populaire » de la « Nouvelle musique »
Chapitre VI : Illusions et utopies de ruptures : dans les ornières du nazisme I. À l’Est : détournement et réappropriation Canons musicaux et échecs. L’importance du collectif Contrôle de la musique et des artistes Antiaméricanisme, anti-internationalisme, antisémitisme, « dégénérescence » II. À l’Ouest : les pièges de l’épuration Exclusions et Fragebogen : sclérose de la vie musicale Retour au conservatisme musical III. Reconstruction et impossible table rase Une jeunesse sous contrôle Le sort du jazz L’échec de la dénazification du domaine musical sur fond de guerre froide Acteurs musicaux dans les quatre zones L’impossible dénazification des interprètes célèbres Parcours de compositeurs
Conclusion
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