Alfred de Vigny est l’un des maîtres du romantisme. Aux côtés de Hugo, il a voulu se faire l’un de ces « prophètes » chargés de veiller à la réforme de la société sortie des décombres de la Révolution. Si l’on ne peut faire de lui un homme politique, son œuvre, conçue comme une œuvre totalisante, a été consacrée à l’analyse du fait politique. Attentif toute sa vie aux interrogations contemporaines, grand lecteur de la presse, de plus en plus déçu par les jeux du système parlementaire, Vigny a suivi les méandres dans lesquels démocratie et liberté ont été plongées, de la Restauration au Second Empire, en passant par la trop bourgeoise monarchie de Juillet. Jamais théorique, toujours réfractaire aux systèmes dogmatiques, sa pensée, profondément libérale, s’est développée à travers des formulations poétiques qui ont déconcerté une critique incapable d’en saisir la continuité idéologique.
Sophie Vanden Abeele-Marchal renouvelle une mise en perspective réductrice qui a conduit à la légende d’un poète hautain et solitaire – voire prêt à servir d’espion à la police de Napoléon III. Elle propose de partir d’une analyse des termes et des formes poétiques à l’œuvre dans les romans, les lettres ouvertes comme dans la poésie, à la lumière de la correspondance et des écrits intimes. Décortiquant la pensée politique en ses mots, on découvre comment Vigny, toujours prêt au débat et attentif à son indépendance, se fait penseur du politique en analysant d’une façon originale les mécanismes de la langue post-révolutionnaire pour en signaler les abus, les mensonges et les sophismes, sans jamais renoncer à son idéal humanitaire.
Préface, par Françoise Mélonio
Note éditoriale
Introduction. Avril 1848 : conversation au bord du volcan
Première partie · Le « problème » des idées politiques de Vigny
I. Une politique « indécise », « incertaine ou banale »
Un « problème particulier »
Le « recueillement passé en proverbe »
L’amertume ironique de « l’ange dont la lèvre a bu l’éponge imbibée de
vinaigre et de fiel »
« Étrange révolutionnaire ! Socialiste d’espèce rare ! »
« Incomplètement conservateur et incomplètement dissident »
« Homme d’ordre », « vieux beau fardé, vacant et satisfait, qui se nourrit de sciure de bois »
II. « Résumer en poèmes tout ce qui remue la société »
Des « opinions avancées » à « doubles fonds » et des « creusements obscurs ». Difficultés épistémologiques
Anti-absolutisme et rejet des « systémateurs », « grands tueurs d’hommes ». Présupposés théoriques
Fragments et œuvre publiée : de l’« esprit de complexité ». Prolégomènes philologiques
Poésie, philosophie et fragments : « résumer en poèmes tout ce qui remue la société actuelle »
Deuxième partie · Le politique selon Vigny
III. Le « calendrier des mutations »
Du désir de guerre au débat d’idées : de la difficulté d’« entrer dans l’action »
Un rythme particulier de publication
IV. Sacerdoce, utopie et politique
Magistère romantique et partis politiques
Le « poète-canon » : faire « diversion à la politique »
Dominer les « jeux de la haine et du hasard » : improvisation et pensée politique
Troisième partie · Le Verbe poétique, ses « mots‑emblèmes » et ses images
V. Le poète « met un doigt sur la balance et l’emporte »
Politique et polémique
La « neutralité armée » de la méthode analytique et critique
VI. La « langue turque » de la politique
Les « effroyables contradictions » des discours d’argumentation ou « comment suivre pas à pas les chemins de l’opinion publique »
Les « mots-emblèmes » du politique
De l’allusion critique au débat public
VII. Passions et vertus de « l’énigme politique »
La « vieille horloge » mécanique de la « loi du progrès »
Passions politiques
Vertus politiques
Conclusion. « Le pouvoir d’un mot mis à sa place »
Une croix d’officier de la Légion d’honneur et une épée de cérémonie
sur un cercueil de poète
De l’indéfinissable talent du poète
Le poète donne le « mot qu’il faut »
Bibliographie
D’Alfred de Vigny
Sur Alfred de Vigny
Textes contemporains de Vigny cités
Dictionnaires contemporains de Vigny
Ouvrages et articles généraux
Index