Les formes du monde et de l’esprit
Montaigne ne croit pas en l’essence ! Tout est forme, ou plutôt formes, car la diversité est inhérente à la condition humaine. Après avoir constaté par expérience que la variété est le principe moteur de l’humanité et de son histoire, Montaigne s’offre comme observateur de l’homme et du monde dans leur matérialité. La forme, c’est ce qui se révèle à nous d’abord ; la forme du monde est le monde. Montaigne comprend que le corps est à la base de tout apprentissage du monde et que l’esprit lui-même est indissociable du corps. Il pose les premiers jalons d’une philosophie en mouvement dont les principes sont toujours remis en question. Après avoir exploré tant de lieux réels et imaginaires, et constaté l’amorphisme des corps et de la pensée, Montaigne découvre un « patron » universel qui représente la somme des formes observées sur le terrain et dans les livres. Ces formes malléables, toujours redéfinies par l’opinion, le doute, la morale, l’éthique, deviennent la matière de ses Essais. Philippe Desan est professeur à l’Université de Chicago où il est titulaire d’une chaire dans le département de littérature romane et le comité d’Histoire de la culture. Il est spécialiste de l’histoire des idées. Auteur notamment des Commerces de Montaigne (Paris, Nizet, 1992) et L’Imaginaire économique de la Renaissance (Paris, PUPS, 2002), il a également dirigé le Dictionnaire de Michel de Montaigne (Paris, Champion, 2004, 2007), ouvrage qui a reçu le Prix de l’Académie française. Il dirige la revue Montaigne Studies.