Un demi-siècle de lecture des Fleurs du mal, 1855-1905
Le 1er juin 1855, Baudelaire fait paraître dix-huit poèmes dans la Revue des deux mondes, sous le titre Les Fleurs du mal. Louis Goudall, qui en rend compte dans le Figaro, ne prévoit guère d’avenir à cette poésie « écœurante » : « M. Baudelaire, déchu de sa renommée de surprise, ne sera plus cité désormais que parmi les fruits secs de la poésie contemporaine ». Prononçant une conférence sur Baudelaire, à Monaco le 19 février 1924, Valéry commence par ces mots : « Baudelaire est au comble de la gloire ». Entre-temps, que s’est-il passé ? À quelques exceptions près – Gautier, Banville, Leconte de Lisle, qui sont des poètes eux aussi –, les contemporains de Baudelaire n’ont vu dans sa poésie que l’expression du « bizarre » : elle est le « Kamtchatka » du romantisme, où Sainte-Beuve la déporte. Dans les années 1860, une promesse apparaît pourtant : en exil à Bruxelles en 1866, le poète parle à sa mère d’une « école Baudelaire ».