Être une femme au Moyen Âge et écrire
Il fut difficile pour les femmes du Moyen Âge de trouver une juste place entre les figures d’Ève et de Marie. Entre la séduction et la maternité, elles étaient bien souvent réduites à leur corps ; tout droit et toute aptitude à penser leur étaient déniés. C’est le regard masculin qui les faisait exister, qui les façonnait, qui témoignait pour elles. Pourtant, quelques rares voix féminines, de l’Antiquité au haut Moyen Âge, se firent entendre en dépit des interdits ; mais la censure restait forte. Alors les femmes observèrent, écoutèrent, imitèrent au besoin, apprirent, s’adaptèrent et trouvèrent les détours qui leur permettraient d’exprimer leur point de vue.
Paradoxalement, la clôture sera pour elles un des moyens d’accéder à une forme de liberté, que ce soit dans les béguinages ou les monastères. En ces lieux, elles ne sont plus des mères, ni des épouses ; elles se réapproprient leur corps qui devient lui-même un moyen d’expression par l’ascèse ou la sainteté ; puis elles parviennent à la parole, soit directement, soit – le plus souvent – par l’intermédiaire d’un confesseur. Mais c’est bien leur voix qui porte enfin. Bien sûr, seule une partie de la population féminine accède à ces monastères et donc à cette libération, mais l’exemple des vies des béguines ou des moniales et leur parole parfois même se propagent dans la société laïque et proposent à toutes les femmes d’autres modèles que ceux jusqu’alors valorisés.
Christine Ebner est l’une de celles qui refusent le rôle attribué aux femmes par la société chrétienne du Moyen Âge et qui trouvent dans la clôture la possibilité d’exister pleinement. Et son Petit livre sur la surabondance des grâces nous éclaire sur la façon dont on peut, au XIVe siècle, oser parler, témoigner, penser et écrire en tant que femme.
Première traduction intégrale en français accompagnée d'une introduction et d'un commentaire par Florence Bayard, sous le titre « Être une femme au Moyen Âge et écrire ».
INTRODUCTION
Christine Ebner – Éléments bibliographiques
Une écriture de femmes ?
Temps nouveaux – Lieux nouveaux – Pensées nouvelles
Les béguines
La structure du Petit livre sur la surabondance des grâces
NOTE SUR LA TRADUCTION
TRADUCTION
SE SOUVENIR ET PROMOUVOIR
I. Engelthal et son couvent – Quelques repères historiques
II. La naissance d’une communauté : des femmes dans un monde d’hommes
Des femmes
Des femmes et des hommes – La tutelle laïque
Des hommes et des femmes – La tutelle ecclésiale
Une histoire de femmes
III. La naissance du couvent : entre légende et réalité
Légende – Le merveilleux chrétien et les miracles
Réalité – Une promotion bien menée
IV. La mort : entre le souvenir et la promotion
L’annonce
Le comportement
L’assistance
La bonne mort au couvent, grâce ultime
FAIRE COMMUNAUTÉ
I. Faire communauté par la conformité
De correctes dévotions
Phénoménalement conformes : extases, auditions, visions et apparitions
Se conformer, mais pas trop : mortifications, jeûnes et maladies
II. L’au-delà et l’ici-bas – Une mystique de l’amitié
L’ici-bas – Un climat d’amitié et de concorde
L’au-delà – Une quiète vision
Dialogues avec des revenantes et des êtres célestes
ENSEIGNER
I. Docere et placere – Éduquer et séduire
Des enfants au couvent
Une Vita – La vie exemplaire d’Adélaïde de Trochau
II. Docere et movere – Éduquer et émouvoir
Deux exempla – La question du baptême
III. Prodesse et delectare – Instruire et divertir
De la musique, des chants – et de la danse ?
Toucher par le rire, l’indignation, la tendresse
IV. Pour toutes et chacune – L’attention au public
Une construction séquentielle
ÉCRIRE POUR ÊTRE SOI
Un regard de femme sur des femmes
De l’encre à la place du sang
Faire œuvre littéraire
BIBLIOGRAPHIE