La critique génétique a longtemps considéré que le processus d’élaboration des œuvres prenait fin avec la publication. L’avant-texte était son territoire. L’après-texte relevait d’autres approches. Ce numéro de Genesis interroge cette position en s’autorisant pour la première fois un regard large sur la pratique de la réécriture après publication. Car Andersen, Schopenhauer, Mallarmé, Balzac, Ramuz, Cendrars, Reverdy, Derrida ou Duras ne s’en sont pas laissé compter : chez eux comme chez bien d’autres, le processus créatif n’a pas toujours été arrêté par la première publication (ni même parfois par la deuxième, la troisième…).
Les études réunies ici – comme les images ébouriffantes de livres couverts de ratures, ou encore le témoignage d’un réécrivain invétéré : Jean Starobinski – font bien sentir que les cas de réécriture après édition ne se réduisent pas à des « exceptions qui confirment la règle ».
Que change-t-on à une œuvre pourtant « finie » et déjà livrée au public ? Et pourquoi changer encore ? Répondre à ces deux questions, de manière singulière (sections « Études ») ou plus générale (section « Enjeux »), conduit à réenvisager les relations entre philologie et génétique, ou entre écriture et publication. Car la mise en circulation du texte ne signe pas la fin de son élaboration, mais transforme les conditions de sa poursuite.
Composant avec la première réception de l’œuvre ou les collaborateurs de l’édition, la phase post-éditoriale de la création est sans conteste la plus contrainte. Ce n’est pas le moindre de ses intérêts, le livre n’étant pas un brouillon tout à fait comme les autres…
Présentation, Anecdotique, par Rudolf Mahrer
Enjeux
Rudolf Mahrer, La plume après le plomb. Poétique de la réécriture des œuvres déjà publiées
Bénédicte Vauthier, Éditer des états textuels variants
Études
Alberto Cadioli, L’activité éditoriale dans le processus créatif de textes littéraires
Cyrille François, Andersen trouve-t-il son conte ? De « Dødningen » (« Le mort », 1830) à « Reisekammeraten » (« Le compagnon de voyage », 1835)
Andrea Del Lungo, Éditions et représentations de La Comédie humaine
Marc Dominicy, « Retoucher cette pièce dans le goût d’autrefois » : pourquoi Mallarmé a-t-il réécrit « Le guignon » ?
Gilles Philippe, Duras : de quelques réécritures mineures
Valentine Nicollier Saraillon, Réécrire pour énoncer à nouveau : l’exemple de Ramuz chez Grasset
Sylvestre Pidoux, Genèse éditoriale de Dan Yack de Blaise Cendrars
Antonin Wiser, L’espace du style. Sur les trois versions d’Éperons (1973, 1976, 1978) de Jacques Derrida
Entretien
Jean Starobinski, « J’essaie de me percevoir en mouvement », par Stéphanie Cudré-Mauroux et Rudolf Mahrer
Inédit
« “Pourquoi fais-tu ça ?”… “Et si tu faisais autrement !” ». Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit (Paris, Paul Birault, 1918), exemplaire corrigé par l’auteur, présenté par Christophe Imperiali et Rudolf Mahrer
Varia
Maura Bonfiglio, Coups de sonde génétiques dans « Les mers du sud »
Roberta Picardi, La critique génétique et l’herméneutique ricœurienne
Chiara Pavan et Roberta Picardi, « Hegel et Husserl sur l’intersubjectivité » de Paul Ricœur : la genèse longue d’un écrit de circonstance
Chroniques
Michael Rosenfield, Genèse d’une pensée sur l’homosexualité : la préface de Zola au Roman d’un inverti
Comptes rendus d’ouvrages
Bibliographie génétique (janvier-décembre 2016)