Essai sur la voix photogénique dans le théâtre britannique contemporain
Le théâtre britannique travaille un bien étrange paradoxe : après les excès de ce que la critique de la toute fin du xxe siècle a appelé le New Brutalism et les Nasty Nineties, dont la frontalité agressive jetait en pleine lumière la barbarie et l’obscénité d’une époque, la scène contemporaine semble esquisser un mouvement vers l’obscur et, d’une certaine manière, s’abstraire du visible. Or, que voit-on au théâtre lorsque l’on ne nous y montre rien ? rien que des espaces enténébrés ? rien que des acteurs, texte en main, qui disent mais ne jouent pas leur texte ?
Après une lutte acharnée pour mettre au jour ce et ceux qui en étaient exclus – les laissés-pour-compte, les charniers cachés et massacres tus, les épisodes génocidaires, mais aussi les traumatismes personnels et domestiques relégués au silence –, les nouvelles dramaturgies affichent une méfiance à l’égard d’un voir qui aurait partie liée avec la surveillance d’une part, le capitalisme et la marchandisation de l’autre. Le regard, dysphorique, demande à être réexaminé, redéfini, réévalué. À l’heure de l’hypervisible, il s’agit pour ce nouveau théâtre d’explorer, dans le sillage de la pensée des phénoménologues, un « visuel » qui s’inscrirait en faux contre le visible. L’oblitération, qui, dans un même mouvement, rend palpable ce qu’elle absente, définit ces esthétiques et place la violence du vide – et vide, en latin, signifie « voyez » ! – au cœur de ces dramaturgies.
Première partie
Mélanographie : l’œuvre au noir
Chapitre I. Beckett et le noir matriciel : de l’« empêchement » à l’oblitération
Film : traité sur le « non-spécularisable »
La méthode cinématographique de Beckett
Chapitre II. Œil et deuil : les aveugles et les lucioles
Bond et le voir « malgré tout »
Au risque du secret : Howard Barker et la « récalcitrance de l’image »
Chapitre III. Spectropoétiques : de Harold Pinter à Jez Butterworth
Du politique à l’intime : Harold Pinter et l’autre scène
« L’expérience de la nuit » dans The River de Jez Butterworth
Deuxième partie
Trouées et trauma : creuser le sensible
Le théâtre de l’évidance
Chapitre IV. Sarah Kane en Perséphone
Les noirs de Kane
Trouer la mimésis : « Just a word on the page and there is the drama »
Chapitre V. « Ear for eye » : slammer l’absence avec Debbie Tucker Green
Nulle part dans le visible
Voix et voir
Dispositif vocal et scène éthique
Chapitre VI. Stratégies de retissage : Martin Crimp et les habits neufs de l’empereur
Vicariances
Dramaticules
Responsabilité collective
Béances et « différances »
Troisième partie
Photodrames contemporains
Épiphanies négatives
Chapitre VII. L’œil inversé de Simon Stephens
« Théâtraliser l’absence »
Monodie
Chapitre VIII. Du « ça a été » au photogramme pluri-sensoriel : Chris Thorpe et Nick Gill
There has possibly been an accident de Chris Thorpe : photodrame paradoxal
Sand de Nick Gill : photo-fantôme ?
Quatrième partie
L’Œuvre au blanc : Vide ! – Voyez !
Chapitre IX. L’apocalypse selon Caryl Churchill
Structure à trous et montage alterné
Prosopopées et oblitération
Chapitre X. Tim Crouch et le very theatre : l’autre scène ou la scène absente
« Representations of nothingness » : pour un théâtre sans référent
L’irréel du présent
Pour sortir du post-dramatique
Chapitre XI. Immersions paradoxales : The Encounter de Simon McBurney
« The presence of the absent »
L’œil nié
Conclusion
Rédimer l’art
Chair du monde
Représentation
Bibliographie
Théâtre britannique contemporain
Autres sources
Critique
Index des dramaturges, performers, compagnies et titres des pièces ou spectacles
Index des noms
Table des matières